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La question de l'Église

Ecclésiologie et dogmatique

Aux yeux de Tresmontant, l’Église repose avant tout sur un fait : la résurrection du Christ. Selon lui, en effet, sans cette résurrection, l’Église n’existerait pas : « si le Rabbi [le Christ] ne s’était pas relevé d’entre les morts et s’il ne s’était pas fait voir à ses compagnons de la première génération, il n’y aurait pas eu de première communauté chrétienne. […] La preuve de la relevée d’entre les morts du Rabbi, c’est l’Église aujourd’hui vivante qui repose sur cette expérience initiale, et qui se souvient. S’il n’y avait pas eu de résurrection autour de l’année 30, il n’y aurait pas eu d’Église aujourd’hui. » (La question du miracle, p.114.)

Une Eglise en France, photo de Brunor

Fort de l’héritage du théologien John Henry Newman, Tresmontant envisage l’Église comme un organisme en régime de croissance, susceptible de développer des anti-corps lors des moments de crise. Ces anti-corps sont plus que nécessaires dans le développement du dogme et sa meilleure compréhension.


Par cet exercice d’auto-régulation, l’Église de Rome maintient, pour tout le corps, l’intégrité de la doctrine en continuant le mystère de l’Incarnation. Tresmontant identifie comme spécifique la « christologie des papes de Rome » qui traverse l’histoire et inspire toute « la pensée de l’Église de Rome ».

Sur ce point,  « l’infaillibilité pontificale » n’a rien d’un effet magique dans le sens où cet individu singulier, le pape, serait par lui-même infaillible. Il s’agit plutôt d’une infaillibilité de fonction, précise Tresmontant, qui veut que l’évêque de Rome, lors des conciles, consulte la pensée de Dieu qui opère dans l'Église universelle, pour formuler ce qu’il comprend comme le dessein de Dieu. Loin d’être une décision arbitraire, ou un bloc de marbre tombé du ciel, le dogme est d’abord un travail de l’intelligence des évêques rassemblés qui vérifient ensemble si la nouveauté étudiée pour avoir suscité une crise (la doctrine d’Arius, de Nestorius, d’Apollinaire, etc.) est compatible avec le message contenu dans la Révélation (Bible et Nouveau Testament) ou pas.

Car il faut protéger l’organisme tout entier et les fidèles en particulier contre ce qui est incompatible avec le « message génétique de la Révélation. »

 

Plus près de nous, pour répondre à Kant qui affirmait : « J’ai été contraint d’abolir une partie du connaître pour faire la place à la croyance », résumant ainsi le Luthérianisme ancien : « La raison est la prostituée du diable », l’Eglise de Rome refuse le fidéisme (foi sans raison) et ose déclarer au concile Vatican I en 1870 : « L’Église, notre mère, tient et enseigne que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine à partir des choses créées. » On retrouve cette affirmation forte à Vatican II et dans le catéchisme de l’Église catholique. Aucune religion n’avait encore osé affirmer cette dignité de la raison et de l’intelligence humaine capable de trouver la conviction de la présence d’un Créateur en étudiant la Création, la nature, l’Univers. Aristote, avec les moyens de son époque, était lui-même arrivé à cette conclusion : il y a un Organisateur (Démiurge), mais je ne peux pas en savoir plus à son sujet car il est hors de la physique.

Les Hébreux ont bénéficié d’informations complémentaires qu’Aristote ignorait : la Révélation Biblique. Les chrétiens ont adopté la représentation du Monde des Hébreux bibliques. Ils ont bien fait car c’est ce paradigme qui est confirmé par le réel que les sciences nous apprennent à connaître de mieux en mieux.

Tresmontant n’hésite pas à affirmer que l’Église de Rome demeure « le lieu géométrique du rationalisme intégral, en cette fin du XXe siècle » (Les malentendus principaux de la théologie, p.127).

 

Tresmontant reprend cette exigence de rationalité en unissant la christologie avec une réflexion métaphysique, ce qui implique de comprendre l’homme et son histoire dans son intégralité, à l’image de l’Église, à la fois humaine dans ses tâtonnements, voire ses scandales, et divine, dans son message génétique.

Jérémy-Marie Pichon

Pour aller plus loin :
  • Les premiers éléments de la théologie, Paris, O.E.I.L., 1987, p.283.

  • Problèmes de notre temps : chroniques, « L’Église », Paris, François-Xavier de
    Guibert, 2001, p.146 [1994].

  • La pensée de l’Église de Rome : Rome et Constantinople, Paris, François-Xavier de Guibert, collection « Cahiers de métaphysique et de théologie – Études et analyses », 1996.

  • La christologie du bienheureux Jean Duns Scot, l’Immaculée Conception et l’avenir de l’Église, Paris, François-Xavier de Guibert, collection « Cahiers de métaphysique et de théologie – Études et analyses », 1996.

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